II/ Des contenus de discours différents


LES FAITS
         Le contraste entre anciens et nouveaux médias se retrouve également dans le fond des articles. Les informations que ceux-ci nous donnent diffèrent dans leur qualité et dans leur complexité. Certains médias se sont borné à nous donner des faits et des chiffres, d’autres se sont servi de l’évènement pour illustrer ou incarner leurs idées, d’autres encore y ont trouvé un prétexte pour lancer une réflexion plus profonde sur des problématiques annexes.

WASHINGTON POST
         L’article de Craig Whitlock n’est pas un article à but purement informatif, ce qui trois jours après l’incident n’apporterait de toute façon plus rien. Le cœur de l’article consiste à revenir sur la stratégie militaire américaine en Afghanistan avec un angle de vue plus large, et à replacer le crash du Chinook dans celle-ci.
         Le journaliste commence par revenir sur les faits, les décrivant de manière rapide mais exacte (notamment en ce qui concerne le moment de l’attaque : à l’arrivée du Chinook sur zone et non au décollage comme l’affirme Al Jazeera) en justifiant ses propos en citant des officiers de l’OTAN, un porte parole du Pentagone et le secrétaire de la Défense.
         Le journaliste nous rappelle ensuite qu’aujourd’hui, les raids de commandos américains dans les vallées afghanes reculées sont monnaie courante et sont cruciaux pour empêcher les talibans de menacer des régions considérées comme plus vitales pour l’effort de guerre. Cependant le journaliste insiste sur le fait que la vallée de Tangi, où a eu lieu le crash, avait été occupée par les forces américaines et que le commandement avait jugé trop coûteux de maintenir une FOB (Forward Operation Base) dans cette vallée et l’avait abandonnée aux talibans. La vallée de Tangi n’est pas un cas isolé et d’autres vallées ont subi le même sort. Ce choix stratégique a facilité l’aménagement de postes de tir par les talibans et par conséquent l’attaque au RPG sur l’hélicoptère. L’article du Washington Post porte donc un regard assez critique sur la stratégie militaire américaine.
         Le journaliste n’oublie cependant pas de rendre hommage aux soldats qui ont péri dans le crash et transmet un message très patriotique, surtout dans la dernière partie de son article, lorsqu’il cite les proches des Navy SEAL décédés.

SEAN LINNANE
         Comme nous l’avons déjà signalé, Sean fait une erreur dans son premier article, parlant de « MH-47 helicopter crash » alors qu’il s’agit en réalité d’un CH-47. Si cette erreur peut paraître minime, Sean l’explique de la façon suivante dans l’article suivant : « I mistakenly posted that it was an MH-47 on the assumption that an outfit like SEAL Team 6 gets around in MH- series birds (the whole time I was in Special Forces I can count the times we flew regular birds on the fingers of one hand, and I was in SF for 20 years.) ». Ainsi, on comprend bien une différence de taille entre les nouveaux et les anciens médias : les nouveaux médias n’obéissent pas aux mêmes contraintes et attentes que les anciens, et peuvent ainsi faire des hypothèses sur une partie des informations qu’ils soumettent à leur public, tandis que les anciens médias sont contraints à une vérification systématique et à citer leur sources (comme le fait d’ailleurs Al Jazeera), pour ne pas porter l’entière faute d’une fausse information.
Toutefois, on a l’impression qu’il bénéficie de très bonnes sources d’informations, car ses révélations sont très précises. Il répond par exemple ici à un internaute véhiculant une théorie du complot (selon laquelle les SEALS auraient été liquidés par le gouvernement américain) et critiquant le manque de blindage du Chinook ayant subi l’attaque : « Series helo's aren't necessarily armored to any great extent more than conventional helos. You can up-armor certain portions of the passenger compartments and the fuel cells are self-sealing, but the engine and transmission housings have to be able to radiate that heat off, and they have enough of a hard time mitigating the heat signature never mind cladding the things in armor that will keep the heat in».
Par ailleurs, comme nous le reverrons dans le troisième paragraphe dédié au ton utilisé par l’auteur, Sean développe deux discours (un dans chaque article) très différents de ceux des autres médias présents ici. En effet, dans son article du 12 août, il insiste sur sa haine des talibans plus que sur les faits mêmes, pour mieux rendre hommage aux soldats américains tombés sur le champ de bataille. Le discours est très violent, si bien qu’on ne s’attendrait pas à le trouver dans un éditorial plus conventionnel : « their land […] is otherwise a inhospitable pile of rocks, only good for growing opium and xenophobic zealotry ». Dans son article du 14 août, il s’en prend à la théorie du complot dévalorisant les efforts de ses pairs dans cette mission et arguant que l’Etat américain a liquidé la SEAL TEAM 6, groupe d’interventions spéciales qui a mené à bien la traque de Ben Laden, pour les empêcher de répandre des informations sur la mort de Ben Laden, qui serait mort plusieurs années plus tôt. Il s’y montre encore très violent et injurieux, traitant son interlocuteur de « crazy bird » ou encore de « MoonBat bird coming from Double-Extra-Stupid-Ville »

AL JAZEERA
         Cet article, malgré le sérieux de la chaîne et la multiplicité des sources d’information, contient également quelques erreurs, notamment le fait que le crash serait survenu au moment de l’atterrissage, alors qu’il s’agissait en fait du décollage. Toutefois, il apporte beaucoup d’informations complémentaires par rapport aux autres articles sélectionnés, notamment concernant le parti taliban de la question (mais en restant très neutre). En effet, c’est le seul à faire part au lecteur de leurs revendications (au moyen de l’extrait vidéo ou de citations dans l’article) ou encore de leur nombre de morts suite à l’intervention (8 Talibans seraient morts dans l’attentat : « Eight insurgents were killed. A coalition helicopter that was firing on insurgents at the time crashed. »). Il précise également comment ces mujahideens ont détruit l’hélicoptère : à l’aide de lance-roquettes issus des stocks des années 70 de l’ex-URSS, qu’ils désignent par « our latest technologies »
Par ailleurs, le style de l’article est très particulier dans la mesure où il est constitué d’une succession de paragraphes courts apportant chacun une information différente, avec sa source.

FACEBOOK
         La page « RIP Seal Team Six *8/6/2011* » a été ouverte pour rendre hommage aux victimes du crash et créer une communauté de soutien aux proches et aux familles des victimes. Il n’empêche que l’on trouve quelques informations concernant le crash. Nous pouvons y trouver les noms des 22 Navy SEAL décédés. Nous apprenons que le commando auquel appartenaient les soldats décédés est celui qui a tué Ben Laden mais qu’aucun mort n’avait participé à cette mission. Nous trouvons en plus des liens vers les pages Facebook d’hommages personnels aux soldats morts, et deux liens vers des sites d’information (news.yahoo et abcnews) abordant la description de l’incident et la traque des talibans responsables de l’attaque. La page Facebook permet donc de faire circuler des informations au sein d’un groupe de personnes touchées par l’événement.
         L’option commentaire de Facebook laisse aussi la parole à tout le monde et nous pouvons ressentir en lisant les commentaires laissés par les gens l’élan patriotique qui anime tous ceux qui ont visité la page. Le terme « Fallen Heroes » parcourt la page et les messages de soutien aux familles se comptent par centaines.